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27 février 2015

18 - A vorté

 

 

Ploc.

Les gouttes qui se répandent sur le sol carrelé.

Toc.

Les enveloppes, qui dans les urnes sont tombées.

A voté.

 

Ploc.

Le sang qui se répand en taches d’enfer pourpré.

Toc.

La loi qui comme un glaive dans ton ventre s’est fichée.

A vortée.

 

Et le poids sur ton corps, de leurs jugements sévères. Et leurs regards en coin, leurs manières qui t’indiffèrent. Ils crient au diable, ils te traitent de sorcière : qu’on te pende, ou bien qu’on t’incarcère !

 

Ils hurlent au loup, et pourchassent les « chiennes » ; ils veulent t’arrêter, ils voudraient qu’on t’enchaîne. Et puisqu’ils ont conclu, sur ta tête d’ingénue, leurs accords corrompus : derechef ils s’étreignent, ils se serrent les mains – mais tu saignes.

 

Et tu cries – mais ils n’entendent rien. Ils ne peuvent t’écouter ; ils n’ont pas regardé. Le cintre dans ta main que tu brandissais. Et ils te trouent le ventre, espérant t’aliéner, quand nul de tes droits n’a plus lieu d’exister.

 

Et tu te désespères, mais puisque nul n’opère, tu répands seule ton ventre ouvert ; et le cintre entre tes mains glisse et ripe, plie et déchire la chair.

 

Ploc.

Le morceau jugé trop cher, disputé sur la chaire, et qui choit sur le sol.

Toc.

A tué.

Ploc.

A vortée !

 

C’est la rumeur des femmes ainsi guindées.

C’est le chant de l’Espagne, roulée en boule sur son passé.

Et les États-Unis, qui se mettent à danser !

L’Irlande a accouché, à force de prier, de ses sœurs forcenées aux chevilles brisées.

Ni sorcières ni salopes, les trois femmes soumises, laissent tomber l’armure, offrent leur nudité ; 343 autres s’en retournent drapées, par trois fois souffletées, indignées.

 

Ploc. Ploc. Ploc.

À celles qu’on tuera, lorsqu’on pensait sauver.

Nunca màs. Le cintre pour avorter.

 

 

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20 février 2015

17 - A voté

 

 

Pschtoc. C’est le bruit qu’il a fait, le papier, en tombant au fond de l’urne. On voudrait réessayer, écouter ce bruit encore. Mais déjà la main rebouche la fente. Et une sèche voix claire qui braille : a voté !

 

Et c’est la personne suivante qui s’avance, tandis qu’on cligne des yeux, hébété, et qu’on se laisse porter, vers la table voisine où l’on émarge le registre parce qu’on : a voté !

 

Une signature de rien du tout sur un papier, et un pschtoc. C’est rien qu’un pschtoc, un papier qui tombe sur du papier dans une grosse boîte en verre remplie de plein d’autres papiers. Et par-dessus d’autres papiers encore qui font : pschtoc ! a voté !

 

Ce n’est rien qu’un papier, qu’un bout de pschtoc, mais l’on compte les papiers en espérant que, peut-être, son bout de papier et tous les bouts de papiers des autres avec, vont permettre de changer les choses, si tout le monde est venu voter. 

 

Car il paraît que sont les bouts de papiers, qui font changer le monde. On aimerait bien voir un jour, des bouts de papiers qui se lèvent comme un grand homme, et qui viennent chassent tous les maux et les misères des esprits des gens qui sont venus voter.

 

Car c’est un pschtoc plein de promesses. On l’attendait depuis longtemps, on voulait glisser ce bout de papier dans son enveloppe : car on a tous droit à son pschtoc, on attend tous dans cette file d’attente, pour entrer enfin dans l’isoloir où l’on ne passe que quelques secondes ; une pour jeter un coup d’œil à la poubelle, une autre pour fermer correctement l’enveloppe et, déjà, l’on espère que ce bout de papier fera un joli pschtoc, bien efficace. Ce n’est pourtant pas tant le pschtoc qui compte, que l’attente jusqu’au prochain pschtoc. Car c’est au son du pschtoc que tu te sens maître ; puis tu ressasses ton pschtoc en fulminant, parce qu’aucun grand bonhomme fait de millions de papiers n’est venu défendre ton camp.

 

Pschtoc.

A voté !

Pschtoc.

A voté !

A-t-on déjà pensé à écouter la musique d’un bureau de vote ? La musique de la liberté. La musique du peuple. La musique du vote.

 

Rien qu’un pschtoc. A voté. Pschtoc. A voté.

C’est la musique du pschtoc pschtoc pschtoc.  

 

14 février 2015

16 - C'est pas moi, c'est elle !

 

 

… et pour s’en sortir, sur les bancs de l’école, elle disait :

C’est pas moi, c’est elle !

Et c’était elle, et c’était toi. Et l’on se souriait, car c’était elle et toi.

… et encore on rouspétait, sur les bancs de l’école, et tu disais :

C’est pas moi, c’est elle !

Et c’était elle, et c’était toi. Et à l’heure du jugement, c’était elle et toi.

 

… et quand vient l’heure du jugement, on est pourtant bien seul. Quand on est mis au banc, gueule d’épagneul.

Et l’on se reprenait encore vingt ans plus tard, sur les bancs des accusés, le regard fuyant, à déclamer :

C’est pas moi, c’est elle !

Vous vous tourniez le dos, ça vous tournait la tête, et l’on reprenait à tue-tête le slogan.

 

… et sur les murs de toute la ville, dans la cour de récré et sur le sol, et sur les bancs des députés, on placardait :

C’est pas moi, c’est elle !

Et c’était comme un ballon dans une mare de boue, qui partout rebondissait, éclaboussait les murs des gluants scandales, quand des camarades se renvoyaient la balle, et martelaient la presse à coup de :

C’est pas moi, c’est elle !

 

… et le juge qu’on accusait enfin dans la dispute (quand ça n’était plus ni personne, ni tout le monde, quand chacun avait reçu au moins un bon coup de ballon derrière la nuque) prenait son marteau, et désignait les gamins sur le banc qui en venaient alors aux poings. Il frappait son bureau incertain, et s’écriait :

 

Mais c’est pas moi, c’est elle !

 

La machine judiciaire qui tournait en rond, sans fin.   

 

 

4 février 2015

15 - Encyclopédie abrégée de la hiérarchie

 

Le larbin.

 

De cette espèce commune, beaucoup de choses à dire. On ne naît pas larbin ; on le devient. Cela peut être du jour au lendemain, peut-être pour l’appât du gain, ou de peur d’avoir faim.

 

De face il vous sourit ; de son profil, quelques traits à tirer. S’il est jeune, il n’est pas qualifié, un peu perdu et désœuvré. S’il est âgé, c’est le profil du licencié. S’il est fauché, c’est le profil à exploiter. S’il est un peu fasciste, c’est le profil pratique, le plus académique. Bientôt manipulé, tout prêt à être bouffé : ce n’est plus un humain, car c’est un moins que rien.

 

Un grand maître des mots, un poète démago. Son bureau est un clavier, et sa boîte un grand réseau. Sur la toile ça dégage, stratégie du marteau ; pas besoin d’réfléchir, pas besoin d’être finaud. Il épluche les pages des forums et des journaux. Il déverse des insultes, de savants lieux-communs, et derrière ses écrans, la France reprend en cœur : « c’est la faute aux immigrés », « c’est la faute aux pédés ». C’est aussi un larbin, celui qui renchérit : « c’est la faute aux gauchos ».

 

Mais ce n’est qu’un larbin, l’employé des grands chiens.

 

Le grand chien.

 

Le grand chien, est-il humain ? Peut-être, un genre d’américain, un bourrin cabotin. Un citadin chauvin, qui achète ses petites mains. Un travailleur hautain, un parrain des scrutins.

 

Le grand chien, espèce rare de pédigrée hautement évalué, a le regard chafouin. Il est, parfois, souvent, toujours débordé, mais satisfait, souverain. Le grand chien, stratège ou rien, dirige un système suffisant, multipliant au cas par cas le profil qu’on attend : la carotte du larbin. Le larbin est engendré, exploité, nourri et éjecté par le même grand chien, constellation omniprésente qui pose son ascendant sur la classe des crève-faims.

 

Le grand chien répond pourtant à l’autorité haute du grand Tracassin.

 

Le Tracassin.

 

C’est un petit nain mesquin qui se pavane sur son oie, rabâchant des refrains. Grimaçant et complaisant, il règne sur les grands chiens, qui irriguent l’humanité de ses larbins, de ses larcins. Le grand Tracassin est un sacré radin, qui raque les samaritains.

 

Le Tracassin. Grand manitou de la société, le Tracassin est pourtant obligé de supporter les révoltes des larbins, les querelles de grands chiens, et même les protestations du bon curé du coin. Tracassin n’est pas un parvenu, Tracassin est élu.

 

Le larbin existe sans fin, le larbin œuvre serein, quand le grand chien fouille les poubelles et pendant qu’ils s’y attèlent, Tracassin qui s’ennuie, derrière son écran, n’hésite pas à cliquer sur les forums, et de balancer pour rire encore : « c’est la faute aux maghrébins ».

 

Mais c’est la faute aux incertains, aux mondains qui ne voient rien.

 

Tout un chacun.

 

Et le système tourne, la roue écrase les humains. Puisque tout un chacun, dans la rue cache ses yeux ; à la vue du larbin, se découvre peureux.

Des races susnommées, il se distingue de peu. En pensée certes dissemblable, mais sans les actes, le malheureux ne vaut guère mieux.  

 

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