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6 mars 2015

19 - Quand je serai grande

 

 

            Quand je serai devenue plus, qu’une petite pousse sauvage et échevelée – je serai peut-être une fleur, rose comme on l’attend de moi. Je serai peut-être, un jour, le bon grain que l’on avait planté. Quand je serai grande, quand je serai enfin la plante que l’on attendait, non plus l’ivraie que l’on voulait déraciner.

            Quand je ne serai plus un chardon, piquant, qui se glisse sur les pelouses coupées, où l’on marche nu-pieds ; quand je ne serai plus la feuille cassante et desséchée qui n’aspire qu’au désert, ce cactus solitaire, qui taille sa route à coups de serpe entre les pissenlits, fragiles et éphémères.

 

            Si jamais je deviens grande, peut-être que je verrai pousser sur mes épaules affaissées, des pétales douces aux couleurs variées ; j’aurais la silhouette poudrée des matinales et fraîches rosées.

            Je serais raffinée et distinguée, je brillerais sans (d)étonner. Je troquerais mes piquants décriés contre des feuilles élancées ; traits d’esprits élégants, mieux que farouche sincérité.

            Je flatterais les plates-bandes, et parmi elles m’épanouirais, plutôt que de laisser négligemment tomber mes épines fatiguées. Et déborder.

 

            « Quand tu seras grande », que l’on me dit encore. Comme si je ne faisais que m’essayer. « Plus tard, quand tu seras », demain, « quand tu auras ». Compris. « Tu finiras bien » par t’apercevoir. Quand l’esprit m’aura rejointe et raisonnée. Je serai sage et apaisée. Parmi les autres solidement plantée, à la source abreuvée.

 

            Mais je ne veux PAS ! rejoindre la plate-bande. Je rêve des hauts plateaux ; des sommets acérés ! Car je ne suis PAS une fleur, et je ne veux PAS leur ressembler : je veux être la tour Eiffel en fer puddlé. Je me draperai d’hiver, aux matins embrumés, faisant chaque jour, à qui me hait, des centaines de pieds de nez.

            Quand je serai grande, je ne serai ni fleur, ni monument. Ni figée ni admirée ; toujours moi-même, toujours enfant si vous voulez. Quand je serai grande, ne croyez pas que je vous le dirai, ne croyez pas que vous le saurez. Car quand je serai grande, je serai comme j’étais. Changeante, et inchangée.

 

 

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Commentaires
R
:)
G
Très beau poème : "Poète est celui qui rompt avec l'accoutumance".<br /> <br /> (Saint John Perse)
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